L’obus est tombé en 1940
De nombreuses munitions tombées pendant la deuxième guerre mondiale sont éparpillées dans la montagne.
À Sainte-Foy-Tarentaise, le 4 juillet dernier, un obus avait été découvert lors de travaux d’enfouissement de réseaux, au hameau du Miroir. Preuve qu’aujourd’hui encore, on retrouve un peu partout des débris d’obus datant de la dernière guerre mondiale. À en croire Gil Emprin, historien santaférain auteur d’un livre intitulé “La Résistance en Rhône-Alpes” (collection Patrimoine du Dauphiné Libéré), cet obus serait tombé le 20 ou le 21 juin 1940.
L’obus trouvé au Miroir aurait été envoyé par les Français en juin 1940
Il raconte cet épisode historique. « Depuis le 17 juin 1940, des bruits d’armistice circulaient en France. Mussolini avait envoyé ses soldats attaquer les cols et occuper la Tarentaise. Le 20 au matin, il a donné l’ordre d’attaquer tous les cols des Alpes avec 37 divisions en Maurienne et en Tarentaise. Son objectif était de frapper fort.
Au hameau du Miroir, les soldats italiens s’installent. Très vite l’artillerie française décide de les arrêter. Les Français s’installent à leur tour, en face, à Villaroger sur la rive gauche de l’Isère, avec des canons et bombardent le village du Miroir les 20 et 21 juin. Il n’y aura pas de victimes italiennes, mais cinq ou six maisons du hameau brûlèrent et furent détruites lors de cette attaque. »
L’obus trouvé récemment serait donc un obus Français datant de cette époque.
Entre le 20 et 24 juin 1940, la plupart des habitants de Sainte-Foy-Tarentaise ont été évacués en Isère. L’occupation Italienne se passe plutôt bien, pour ceux qui sont restés. Elle n’est pas violente, mais fait plutôt penser à une annexion. La lire devient la monnaie officielle. À Sainte-Foy-Tarentaise, une épicerie proposant des produits italiens est ouverte, et l’italien est enseigné à l’école.
Les habitants possédaient même une carte d’identité italienne (voir photo ci dessus)
« Le 8 septembre 1943, au départ des Italiens, les habitants étaient contents. Mais ils ont vite déchanté, avec l’arrivée des Allemands à peine quelques jours après le départ des soldats Italiens. Le maquis naîtra au printemps 1944, suivra la création de la résistance avec la section Paganon. Les troupes allemandes étaient beaucoup moins sociables que les troupes italiennes », raconte Gil Emprin.
Pendant 10 ans, des années 1990 à 2001, cet habitant de Séez aujourd’hui âgé de 40 ans a parcouru la montagne à la recherche de munitions tombées là pendant l’un des nombreux combats, de la seconde guerre mondiale principalement.
Cartouches de fusils italiennes, obus de mortier allemand, grenades… selon ce collectionneur passionné, il suffisait alors de soulever un rocher ou de fouiller l’herbe du regard pour tomber sur des pièces d’artillerie, parfois même pas utilisées. « Il y a dix ans en arrière il y en avait beaucoup. Sous le fort de la Redoute côté Roc Noir, j’ai trouvé par exemple un obus italien de 42 kg dans les rochers, il était juste recouvert de pierres ». Ou encore, « sous le col des Embrasures, côté piste, pareil, j’ai soulevé des rochers et j’ai trouvé une tête anti char allemande et un obus ».
Ses lieux de fouille de prédilection : le fort de La Redoute, le col de la Forclaz ou l’Aiguille du Clapet. Et il n’était pas seul alors à partir à la recherche de ses vestiges de combats, parfois extrêmement dangereux.
“Le gars est monté avec un sac et est reparti avec l’obus”
« Au col des Combettes, il y avait un obus américain qui traînait. Un jour, un gars est monté avec un sac et est reparti avec. »
Mais en 2001, alors qu’il tente de vider un obus de son explosif, celui-ci lui explose dans la main, l’amputant de plusieurs doigts. Cet accident et le fait que « les munitions se faisaient rares, à force d’être ramassées » met un terme à ses recherches. Il fait don de sa collection à des musées.
Aujourd’hui, il parcourt toujours les montagnes, mais à la recherche d’épaves d’avions, nombreux eux aussi à avoir échoué dans les Alpes.
l’histoire
Le 4 juillet dernier, Fausto Fernandez et Yves Murraz tombent sur un obus alors qu’ils travaillent à l’enfouissement des réseaux dans la rue qui traverse le hameau du Miroir pour le compte d’une entreprise sous-traitante. L’engin mesure 15,5 centimètres de diamètre, pèse 45 kilos, dont 8 d’explosifs. Évacué sur le bord de la chaussée et recouvert de sable pour éviter que la chaleur ne le fasse exploser, il est neutralisé le lendemain par des démineurs du centre de déminage de Lyon.
Céline Pilati